Equipe Projet Kiwano

Quand l'agriculture nourricière rencontre l'entraide en ligne

Si l’entraide existe bel et bien en agriculture, elle passe souvent inaperçue. Tandis que les accorderies n’opposent pas solidarité et comptabilités des temps (pour elles, le temps est une monnaie d’échange), les collectifs de l’agroécologie, de la permaculture, ou de l’agriculture paysanne entendent faire du lien sans pour autant formaliser leurs “accords ” ni compter les services échangés. Le Projet Kiwano propose à un plus large public relié à la fonction nourricière de rendre visible et de développer encore davantage les coopérations. Quels espoirs les porteurs du projet voient-ils dans cette démarche qui nous emmène vers de nouvelles formes de collaborations en ligne ?

Quand l'agriculture nourricière rencontre l'entraide en ligne (Projet Kiwano, l'entraide porte ses fruits !)

D’où vient cette idée de Projet Kiwano pour l’entraide nourricière ?

Notre élan de départ est directement lié à une soif d’apprendre à pratiquer une activité agricole diversifiée, écologique, économe, solidaire, avec une vocation à produire de quoi manger. Cela nous semble à la fois vertigineux et passionnant. Cela nous semble surtout possible et accessible à partir du moment où l’entraide existe, l’entraide sous toutes ses formes, à commencer par l’échange d’expériences. De là est venue notre envie de construire un portail permettant de se former, de partager, d’échanger des informations mais aussi des services, de mettre des espaces de travail à disposition des collectifs et enfin de faciliter l’accès à des outils de sciences participatives.

L’entraide est une force pour le territoire quand elle contribue à fonder et à renforcer la capacité nourricière​

La solidarité et l'entraide au service de la capacité nourricière

En pratiquant nous-mêmes des activités agricoles et en nous investissant dans le monde associatif, nous avons été amenés à pratiquer du troc et à donner notre temps bénévolement. Depuis quelques années, nous participons à des initiatives de solidarité alimentaire et de circuits-courts dans le prolongement de l’activité de fermes aux productions diversifiées et pratiquant l’agroécologie. Nous voyons que des liens se créent et que des collaborations ont lieu et que tout cela est une force pour la collectivité et le territoire. Même s’il n’y a pas encore de reconnaissance de cette plus-value, la prise de conscience grandit au sujet de ce qui constitue la capacité nourricière des fermes et des territoires. C’est le deuxième pilier de notre projet.

L'entraide nourricière et ses différentes facettes en milieu rural, pour les porteurs de projets et la montée en compétences

Les coopérations sont la pierre angulaire de l’agriculture nourricière car elle peuvent contribuer à faire baisser le delta (𝚫) de prix des produits locaux de qualité

Comment définissez-vous l’agriculture nourricière ?

Une agriculture nourricière réunit toutes les conditions pour produire de manière écologique des aliments de base, essentiels pour notre alimentation, et les fournir en état de fraîcheur à une population locale au fil des quatre saisons, à des prix accessibles. Dans un sens plus large on peut y inclure les activités qui permettent cette production en apportant des services utiles comme la production de plants et de graines, et des activités permettant de maintenir ou accroître les qualités du milieu.
L’entraide est une pierre angulaire de cette agriculture nourricière. Elle est indispensable pour tisser des liens solides, avancer dans son projet, se former et mettre en place ses pratiques et avoir une activité viable et vivable.

Nous pensons que les activités d’entraide méritent d’être rendues visibles au même titre que le bénévolat

Logo du Projet Kiwano pour l'entraide nourricière par Adrien Fuchs

Dans le contexte actuel les produits de qualité commercialisés en circuits courts se caractérisent par un prix que l’on peut qualifier de juste parce qu’il permet une rémunération de l’effort fait. Les signes de qualité sont souvent au rendez-vous et il s’agit le plus souvent de marchés de niches. Certaines productions sourcées localement et issues de pratiques écologiques coïncident finalement avec le haut de gamme et le delta de prix peut les rendre inaccessibles à certains budgets contraints.
Nous nous sommes posés la question de ce delta (𝚫) : si une catégorie de consommateurs aux ressources modestes ne peut pas l’atteindre alors nous pensons qu’il peut être compensé par des coopérations bipartites ou tripartites dans lesquelles des formules d’entraide sans transactions financières peuvent entrer en jeu. En tout cas c’est ce que nous proposons d’expérimenter.

Considérez-vous que les outils du web sont indispensables pour développer l’agriculture nourricière et l’entraide ?

Nous constatons chaque jour le succès et les limites de l’utilisation des grands réseaux sociaux pour réunir les personnes intéressées par les sujets agricoles et pratiquant l’entraide. Même si nous sommes technocritiques, nous pensons qu’il y a une utilisation vraiment nécessaire et fructueuse de certains outils collaboratifs en ligne. Nous voulons encourager un usage raisonné et non marchand, et offrir des services respectueux de toutes les règles de protection des données. C’est d’ailleurs un défi qui nous amène à développer de nouvelles compétences et à nous rapprocher du modèle de “tiers de confiance du numérique”. Nous ne nous dirigeons pas vers la production d’applications pour smartphone, considérant qu’il vaut mieux se donner un temps de concentration dans des conditions de confort pour se connecter sur le portail et commencer à échanger. Le mariage de l’agriculture nourricière et de l’entraide en ligne correspond à une amélioration si elle permet de conserver dans la durée le contenu des échanges et des coopérations, sachant que les réseaux sociaux mercantiles qui captent encore beaucoup l’attention n’offrent pratiquement que des fils de messages très volatils !

Ce défi de l’entraide en ligne amène l'équipe du Projet Kiwano à développer de nouvelles compétences et à devenir un tiers de confiance du numérique

L'équipe du Projet Kiwano développe de nouvelles compétences en lien avec les métiers du numérique. Par exemple : "on ne plaisante pas avec les données des utilisateurs !"...

* : Pour Laurent Hazard, chercheur à l’INRA qui accompagne des processus de recherche-action depuis une vingtaine d’années, « la plupart des échanges se font dans l’informel et il ne faut pas chercher à les formaliser ou à les organiser ». Le monde paysan a besoin de ces espaces de liberté ou s’inventent des liens, des amitiés, des solidarités qui échappent au regard extérieur et ont leur propre logique.
A lire dans Dessine-moi la transition agroécologique ! – Groupe de Recherche-Action sur l’Agroécologie Paysanne (GRAAP), coord. Carinne Pionetti, juin 2020, page 60, Un tissu de fermes reliées par des “fils invisibles”. https://agroecologiepaysanne-graap.org/